LA VOIX D’UNE RACE
Plus que sous sa jungle envahissante, c’est derrière le bruit de ses tambours que l’Afrique Noire camoufle ses mystères et ses légendes. La civilisation a beau avancer à grands pas, tracer des routes, installer des voies ferrées, bâtir des ponts, le continent monstrueux se replie sur lui-même. Pendant des années, tout est calme, et les tribus ne semblent penser qu’à cultiver leurs champs ou à mener paître leurs troupeaux. Puis, un beau jour, dans les roulements des tam-tams, les instincts millénaires se réveillent, et l’on apprend qu’un village tout entier vient de se livrer à un festin anthropophagique. C’est que l’âme noire, toute marquée par des siècles de lutte contre la nature féroce, de famines, d’épidémies et d’esclavage, n’a pas encore livré son secret.
C’est toujours sous l’influence du tam-tam que les Hommes-Léopards, cette secte de tueurs sanguinaires, commettent leurs crimes rituels car, à travers tout l’Afrique, le tam-tam régit la vie et la mort. C’est lui qui commande à la danse, qui transporte les messages à travers la forêt, la savane et les montagnes, qui pousse à la révolte et au meurtre. Jamais, il ne pourra être séparé du Noir. Aux Antilles, les esclaves l’apportèrent avec eux dans le ventre des navires esclavagistes, et il hante les nuits de Haïti où vainement, on a tenté d’interdire la religion à laquelle il préside, le Vaudou, culte des anciens dieux de Guinée.
Même aux États-Unis, la civilisation n’a pu atténuer l’emprise du tam-tam. Des bayous de la Louisiane et des bars de Basin-Street, il s’élança avec une vigueur accrue et, grâce au jazz, son enfant, conquit tout le monde civilisé.